• La croisière

     

    Le Queen Elisabeth II

     

    Queen Elizabeth 2" wird Luxushotel: die ersten Entwürfe

     

    La croisière

     

    J'entends des « aux revoir » qui fusent de part et d'autres de cet immense paquebot. Dans tout ce vacarme, je ne perçois plus les cris des oiseaux de mer qui tournent au dessus de nous pour récupérer ne serait-ce que quelques miettes de gâteaux secs qui traîneraient sur le pont. Le bastingage est noyé de monde et par centaines, les mains s’agitent et tout sens en lançant des rubans, des confettis comme pour signifier leur joie à la pensée de l’heureux voyage qui va commencer à partir du moment où le paquebot va s’ébranler. Les remorqueurs sont en place pour aider l’énorme masse à s’éloigner du bord. A bâbord comme à tribord, les ponts commencent doucement à se vider de ses voyageurs, chacun ayant prit connaissance de son numéro de cabine. Je suis un peu fatigué par tout ce bruit et je m’apprête à en faire autant. Je vais aller m’installer confortablement dans ce qui sera ma suite pour huit jours. J’ai gagné ce voyage et pour une fois que je suis en première classe, je tiens à en profiter. Le prix mentionnait deux personnes, mais j’étais seul. Que m’importait que je sois accompagné ou solitaire? J’avais gagné cette croisière et dans vingt quatre heures ce bateau n'aurait, pour moi, plus aucun secret.

    Pendant les trois mois qui précédèrent le jour « J » de cette fameuse croisière, ma vie fut un enfer. Je comptais les semaines qui me séparaient de l’embarquement. J’achetais avec frénésie de nouveaux vêtements. Je me rhabillais de la tête au pieds sans oublier les baguages que je renouvelais afin de parfaire le louque du parfait croisiériste. Tout était neuf et de fort belle qualité! Il m'était également venu à l'idée d'acheter un smoking pour les grandes occasions et jusqu'aux chaussures de cuir que j'avais fais mettre sous forme afin de ne pas souffrir des pieds! Je faisais et défaisais mes valises car il me semblait toujours avoir oublié quelque chose d'important. Tous les frais inhérents à ce voyage étant offerts alors, pour quelle raison m’en faisais-je à l’avance? J’avais tout prévu: les traveller's chèques, mes cartes de crédit de peur de manquer d'argent pour une raison x ou y etc. Sans que je veuille me l'avouer, je partais pour trouver la femme de mes rêves…

    Enfin, le paquebot fait route pour Les Antilles. Mon instinct me dit que ce voyage allait se passer le mieux du monde. Je me sens euphorique de vivre ce rêve tout éveillé.

    Le Queen Elisabeth II a prit le large depuis plus de deux heures. Il fait nuit depuis une bonne demi-heure et sous un ciel magnifiquement étoilé, je reste là, plongé dans mes pensées, à profiter de l'air marin qui emplit mes poumons d’iode.

    A la proue, appuyé sur le bastingage, face à l'immensité de l'océan, sous l'étrave du paquebot, je me surprends à imaginer, les profondeurs abyssales: ces abîmes mystérieux et inhospitaliers qui vous font froid dans le dos lorsque l‘on prend le temps de se représenter ces insondables fonds marins.

    Je suis tiré de mes pensées par un saxo qui se plaint. De la salle de réception, la musique me parvient. Ces dames doivent être belles ce soir? Je les imagine, évoluant sur des rythmes langoureux ou endiablés se laissant griser, au fur et à mesure que la soirée avance dans cette ambiance de fête qui régnera, je le suppose, jusque tard dans la nuit. Je n’ai pas encore sommeil. Je veux profiter de tous ces instants qui me sont offerts. Et si j’allais faire un tour dans la sale des festivités? En plus, les odeurs de cuisine qui me parviennent, flattent mon appétit. Et puis, qui peut savoir? Peut-être aurais-je le bonheur d’y faire une heureuse rencontre?…

    A mon entée, le dîner dansant bat son plein. J’aperçois à une table une jeune femme blonde, très jolie qui a l’air de s’ennuyer. Est-elle seule? Semblant perdue dans ses pensées, elle ne s’aperçois pas que je m’approche d’elle pour l’inviter à danser. Les musiciens jouent une valse et c’est là, toutes mes connaissances en matière de danse. Elle lève deux beaux yeux verts dans ma direction, hésite un instant avant de répondre à mon invitation puis elle se lève avec grâce me tendant sa main. Ce n’ai pas que je cherche à tout prix quelques jolies jeunes femmes pour meubler ma solitude; mais la croisière serait quand même plus agréable si j’avais une compagne le temps du voyage!…

    La première soirée fut délicieuse. Morgane, de son prénom, et moi ne nous sommes pas quitté. Le courant très vite était passé entre nous. Lorsque dansions, nous avions l'impression d'être seuls au monde dans cette grande salle de bal... 

     

    Au petit matin, à l’instant où l'aurore n'est pas loin de vouloir pointez son nez, que la nuit d'un noir d'ancre ou s'enchâssent des diamants s'étire nonchalamment en longueur, accoudés au bastingage, nous croisons quelques attardés ivres de bons vins, de danse et de sommeil. Ils vont vraisemblablement aller se coucher, à moins qu'ils ne fassent comme nous et traînent encore un peu sous les étoiles. Je regardais ma montre qui marquait quatre heures du matin. Morgane et moi, décidâmes d'être raisonnables afin d'être en forme pour la journée qui allait suivre cette première nuit féerique. Je  la raccompagnais à sa porte de cabine qui portait le numéro 77. Je lui fît remarquer que ma suite portait le numéro 177. Elle sourit et nous nous dîmes bonsoir à regret. On aurait dit deux timides jeunes gens (ce que nous étions), plantés là, devant sa porte, comme hypnotisés par le regard de l’autre. J’avais envie de forcer un peu sa retenue. Je me risquait, quitte à me prendre une gifle, à lui donner un léger baiser sur ses lèvres closes. Elle ne dit rien, mais me fît comprendre qu’elle n’était pas loin de tomber de sommeil et que l’on avait tout le temps, après un repos réparateur, de nous connaître mieux. En gentleman, je n’insistais pas et à mon tour, je décidais d’aller me coucher. Je pris congé de ma  jolie compagne tout en regrettant de ne pas avoir été invité dans sa cabine pour un dernier verre de champagne.

    Le calme régnait dans les couloirs. Tout semblait plongé dans un endormissement salutaire pour les fêtards dont nous faisions partie. Je retrouvais ma suite princière qui portait la même fin de numéro que la cabine de Morgane. Ca m’intriguait. Malgré mon envie de m’enfoncer dans un sommeil bienfaisant, les terminaisons de nos numéros de cabines dansaient devant mes yeux et ne me laissaient aucun répit. Je dû mettre un bon quart d'heure, peut-être plus, avant que mes paupières ne décident de se fermer sur cette question lancinante: pourquoi nos deux cabines se terminaient-elles par 77. Était-ce un signe du destin?...

    Pendant que le reste de la nuit s’étalait dans toute sa splendeur et que la voix lactée illuminait le ciel éclairant ainsi la nappe d'huile océane d'un noir profond, le paquebot continuait de tracer sa route emportant avec lui la croisiéristes endormit.

    Je me levais tard dans la matinée et tout en choisissant une tenue adéquate pour la circonstance, je me remémorais la soirée de la veille. Il n’était pas loin de midi quant enfin, frais et dispos, j’entrepris de retrouver ma belle inconnue. Elle était là, toujours seule, en maillot de bain, sirotant un grand verre d’orangeade avec de la glace pilée et une paille. Je m’approchais ne sachant quelle attitude adopter. Elle fît s’envoler mon embarras en me faisant un signe de la main que je m’empressais de prendre pour une invitation. La chaise longue à côté de la sienne étant inoccupée. J’en pris possession. Très aimablement, elle me posa une question:

    - Avez-vous petit déjeuné?

    Gêné, je répondis:

    -Non: je me suis levé trop tard; mais ne vous inquiétez pas, je ne déjeune pas le matin. Je prends juste un grand jus de fruit comme vous et un café bien serré. D’ailleurs, je vois le garçon qui passe autour des baigneurs. Je vais lui faire signe.

    -S’il vous plaît! Pouvez-vous m’apporter un café bien fort et comme mademoiselle, fis-je en lui désignant le grand verre d’orangeade que Morgane n’avait pas encore vidé de son contenu. Le garçon, très aimable, fit un signe de tête sans prendre aucune note de ma commande puisqu'il n'y avait plus personne à servir, la matinée étant déjà bien avancée.

    Tout en discutant de tout et de rien, nous entreprîmes de terminer de nous connaître mieux puis, vers 13 heures, nous nous dirigeâmes vers l’immense et somptueuse salle à manger. Nous choisîmes une table à deux couverts disposée un peu à l’écart. Un rideau de verdure nous isolait des regards indiscrets. Nous voulions être tranquilles.

    Le décor rouge profond des tentures parfaitement en accord avec les nappes de même couleur, protégées elles-mêmes par des sur nappes blanches en damassé, une vaisselle de fine porcelaine également blanche agrémentée d’un liseré d’or, des verres de cristal ciselés ainsi que des couverts en argent massif, finissaient de donner une touche royale à cet endroit prestigieux. Il n'y avait rien à redire: La salle à mangée était splendide comme les cabines et toutes les dépendances, d’ailleurs. La réputation de ce paquebot correspondait bien à l'idée que je m'en était fait lors d'un reportage à la télévision.

    Nous goûtâmes à tous les mets rares que l’on nous présenta. Le déjeuner se déroula comme dans un rêve et je sentais confusément que nous nous plaisions. J’osais poser ma main sur celle de Morgane qui, malgré une légère crispation, ne la retira pas.

    Le vin et l'ambiance aidant, Morgane s’était un peu libérée de sa réserve et m'apprit qu'elle aussi se trouvait sur ce paquebot parce qu’elle avait gagné le deuxième prix du même concours qui m'avait amené ici: une croisière aux Antilles. Cela lui importait, peu au départ, d'être en seconde classe; mais la croisière l’intéressait, sachant qu’elle ne pourrait jamais se payer cette folie. lorsqu'elle s'était rendu compte du confort des deuxièmes classes! Elle s'était dis que sut été dommage de refuser un tel prix! Comme moi, elle ne connaissait personne pour l’accompagner; mais elle avait besoin de se changer les idées… Et puis il ne faut jamais laisser passer une occasion de se distraire! Qui sait si dans une vie, une telle opportunité peut se reproduire? C'était une aubaine à ne pas laisser filer!...

    Nous passâmes tout l’après-midi ensembles. Je lui confiais la raison pour laquelle j’étais, moi aussi, non accompagné. Nous rimes des points communs de nos aventures. Ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait gagner une croisière de huit jours aux Antilles! Le courant passait très bien entre nous et nous nous primes à nous tutoyer. Auprès je la sentait très détendue et je l’étais aussi…

    Aux alentours de 17 heures, je proposais à Morgane de venir dans ma cabine en tout bien, tout honneur, partager une fraîche bouteille de champagne millésimée. Celle-ci, sur ma commande, baignait dans son seau de glace pilée, accompagné d’une collation offerte par la croisière, le tout disposé sur un plateau d’argent. Des vases garnis de fleurs disséminés un peu partout dans ma suite embaumaient « Ce paquebot avait pour moi des égards dignes d'un prince! » Me dis-je. Je me réjouis à l'idée que cette croisière (qui n’en était encore qu’à ces premières vingt quatre heures), se prolongea encore sept jours. C'était le temps qu'il me fallait pour apprivoiser tout à fait Morgane. Etait-ce elle la princesse qui m’était destiné? La jeune femme que j’attendais?…

    Ces huit jours de félicité ont défilés comme dans un songe. Le voyage va se terminer par un somptueux dîner dansant mais cette fois c'est un bal costumé qui va clôturer la croisière.

    Le paquebot est sur le chemin du retour. Il a reprit sa route pour s’en revenir à son port d’attache. Je suis triste car mon amour de vacances va prendre fin lui aussi. Je n'ose lui demander si nous allons nous revoir. Va t-elle emporter avec elle mon rêve? J’ai évolué, comblé de bonheur, comme dans un conte de fée. Je ne regrette rien de cette aventure romanesque d’un été. Il est temps de me réveiller et de retourner à la réalité. Dans quelques instants, il me restera de nous qu’un souvenir...

    Le "Queen" est à quai. Les passagers empruntent les passerelles pour en descendre. Nous en faisons autant. La fin d'après-midi est superbe! Le cri des mouettes m’agace. Tout m'agace! Et tout ce monde qui s’appelle et s’interpelle! Quel vacarme! Je n’en peux plus. Nous allons essayer de nous dire adieu dignement. La séparation, après huit jours de doux rapprochements consentants, est dure!

    La cabine de Morgane, sauf la première nuit, est restée inoccupée pendant toute la croisière, Nos baisers, nos journées et nos nuits n'étaient qu'à nous.

    Je prends Morgane dans mes bras pour un adieu qui se veut léger et désinvolte. Nous sommes amis et nous comptons bien nous revoir; mais j’ai mal! Si mal! Souffre t-elle autant que moi de cette séparation?

    Mes yeux fouillent les miens qui s’embuent; mais elle ne dit rien, n’esquisse aucun geste pour me retenir. Je ne veux pas qu’elle sache ma peine et mon attachement pour elle. Un instant, nos vies se sont croisées dans le bonheur et la félicité. Cet amour naissant, a prit de l’importance tout au long de ce voyage et nous voilà sur le quai des « aux revoirs » comme au départ de la croisière… Une dernière étreinte et nous nous séparons sans nous retourner. C’eut été trop dur!

    Je presse le pas pour héler un taxi. Pas un seul n’est libre! Mes nerfs sont à rude épreuve quand une main se glisse dans la mienne. Elle est là, devant moi souriante: l’amour la transfigure. Je l’attire à moi et prend ses lèvres sans lui en demander la permission. Elle réponds à mon baiser et sa voix, comme dans un rêve, me murmure à l’oreille ces mots troublants que je n’attendais pas:

    - « Je t’aime mon amour! Je ne peux vivre sans toi! Je ne veux plus te quitter! Je t’en supplie! Garde-moi auprès de toi!

     Je m’entendis lui répondre:

    - « Ô! Tu ne peux savoir le bonheur qui m'envahit? Je n'osais y croire et je m'en allais le coeur brisé de te laisser, sachant que, sans doute, nous ne nous reverrions jamais; mais maintenant que tu es là, que tu es venu vers moi, acceptes-tu de m’épouser? Dis-moi que tu le veux toi aussi? »

    Le "oui"qu’elle prononça me fit comprendre que ma triste réalité s’en était allée discrètement, sur la pointe des pieds pour laisser la place à un avenir radieux qui était, en un instant, devenu notre réalité pleine de joie et d’espérance en la vie.

     

     

     

    Nouvelle écrite en octobre 2009

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    « De nul part et de partout.Cœur ermite »

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