PUBLIÉ LE 15/10/2019
A RETROUVER DANS
Inexploré n°44
Quand l'inexplicable bouleverse notre vision du monde...
LES LIVRES À LIRE
Transes, médecines de l'âme
Gérard Vigneron, Françoise Marie
Éditions Le Souffle d'Or
Les nouvelles sciences de la santé
Denis Bedat
Guy Trédaniel Groupe
Les processus de guérison
Djohar Si Ahmed
Editions Dangles
Transe, une médecine du futur ?
Si toutes les cultures ont depuis la nuit des temps développé des techniques pour provoquer la transe à des fins thérapeutiques, les « états modifiés de conscience » sont aujourd’hui utilisés par des professionnels de santé et étudiés avec intérêt par les neuroscientifiques. Vieille de plusieurs millénaires, la « transe » sera-t-elle une médecine du futur ? Comment expliquer les guérisons soudaines qu’elle est à même de provoquer ?
Du latin transir, la transe désigne le passage d’un état de conscience à
un autre. Si elle peut être provoquée à l’aide de techniques spécifiques,
le Dr Thierry Servillat, psychiatre hypnothérapeute, rappelle qu’elle est
avant tout une possibilité naturelle offerte à l’espère humaine
(et certainement à d’autres). Sa consœur Djohar Si Ahmed insiste en
disant qu’elle serait même une nécessité quasi physiologique pour notre
psyché, comme en témoigne la « transe commune quotidienne », état de
rêverie dans lequel nous entrons spontanément, toutes les deux heures
environ, sans même nous en rendre compte. Surmontant le regard
sceptique de ses collègues et le tabou qu’a posé notre société sur ces
phénomènes de transe considérés jusqu'à ce qu'il y a peu de temps
comme primitifs et irrationnels, cette psychanalyste a osé s’intéresser de
près à ces états modifiés de conscience, d’où peuvent surgir un matériel
et des capacités ignorés à l’état vigile. À travers la méditation,
l’hypnose, la respiration holotropique, le rêve éveillé, la PNL
ou le voyage chamanique, les méthodes d’induction permettant d’entrer
dans des états modifiés de conscience sont multiples,
mais toutes sollicitent nos sens, que ce soit par une hypo
ou hyper-stimulation.
« Les éléments sensoriels sont les briques de la transe hypnotique,
explique Thierry Servillat. En faisant appel à des images colorées, des
sons, des goûts, des odeurs, des sensations tactiles et musculaires, le
thérapeute tisse une histoire qui transporte le patient dans un voyage
de conscience. »
Quel que soit son mode d’induction, l’état de transe permettrait de
découvrir ce qui existe au-delà de notre perception ordinaire, à savoir
des possibilités de changement beaucoup plus grandes que celles que
l’on conçoit dans la veille restreinte qui régit notre quotidien.
« Toutes ces expériences peuvent être vécues comme le passage d’un
seuil, entre le monde d’ici et maintenant, connu comme lieu de
souffrance et de dysharmonie, et un autre monde encore inconnu, le
monde des possibles dans lequel va se réaliser une métamorphose, une
nouvelle naissance », écrit le médecin Gérard Vigneron.
Réveiller des capacités innées de guérison
D’un point de vue psychologique, ce qui explique la puissance de
guérison des états de transe, c’est qu’ils réveillent les ressources internes
présentes en tout un chacun. S’ils stimulent des visions ou
l’imagination, celles-ci ne sont pas considérées comme de simples
fantasmes, mais comme de nouvelles formes d’expérience vécue.
Dans ces états particuliers de conscience, le patient peut alors toucher
un retournement, « faire exploser » ses croyances limitantes,
et entrer dans une manière totalement différente de voir et de vivre
une situation qui était jusque-là source de souffrance.
« Le pouvoir d’imaginer devient un pouvoir de reconfigurer le monde »,
précise Gérard Vigneron.
En outre, dans ces états de transe, la conscience, s’émancipant
de ses contraintes habituelles – corporelles, spatiales, temporelles
et logiques – peut s’ouvrir à des informations nouvelles,
inaccessibles à l’état de veille et difficilement atteignables par les
thérapies habituelles.
« Cet affranchissement, qui pourrait potentiellement donner accès
à la totalité des informations contenues dans l’univers, est,
dans les faits, extrêmement bien régulé par l’inconscient du sujet,
qui n’actualise que le strict matériel nécessaire à son évolution
et à sa guérison. Ce qui implique l’existence d’un dispositif endogène
d’autorégulation et de restructuration, qui est un des attributs
du guérisseur interne », écrit Djohar Si Ahmed. Les états modifiés
de conscience ouvriraient ainsi l’accès à l’inconscient, ce « grand
magasin de ressources et de souvenirs » pour reprendre les termes du
psychiatre américain Milton Erik-son, père de l’hypnose clinique.
Parmi le matériel possiblement exhumé dans de tels états figurent
les secrets de famille, les épreuves périnatales, des événements
biographiques et transgénérationnels refoulés. Pour Djohar Si Ahmed,
l’efficacité thérapeutique de ces états de conscience
s’explique par la mobilisation de tous les niveaux de l’être,
qu’ils permettent (physiologique, psychologique, cognitif et spirituel)
et par la possibilité de « déployer le ou les symptômes », c’est-à-dire,
de revivre le moment traumatique, de retrouver les affects, sensations
et émotions qui ont été réprimés à cet endroit, de les laisser se déployer jusqu’au bout et de permettre ainsi leur dépassement.
« Le déploiement du symptôme libère du même coup une quantité colossale d’énergie jusque-là utilisée dans son maintien »,
précise-t-elle. d'Après son expérience, plus les enjeux sont dramatiques,
plus les effets d’une transe peuvent être fulgurants.
Dans d’autres cas, un cheminement plus ou moins long
semble nécessaire pour que le patient apprivoise le processus
d’ouverture et renonce peu à peu aux « bénéfices secondaires » que la
maladie ou le mal-être pourrait lui apporter.
Un impact physiologique
Dotés d’outils toujours plus précis, nombreux sont les
neuroscientifiques qui tentent depuis une dizaine d’années de mieux
comprendre la transe, ses causes et ses effets.
Plusieurs études concernant l’hypnose,
et la méditation avaient déjà mis en évidence
une activation cérébrale de l’hémisphère droit et du cortex préfrontal.
« Ce qui est étonnant, c’est qu’en faisant imaginer une action à un
patient, les zones cérébrales qui s’allument sont les mêmes que si le
patient l’accomplissait pour de vrai ! », précise Thierry Servillat ;
Mais ce qui se joue dans le cerveau lors de ces
« expansions de conscience »
se verrait principalement au niveau des fréquences cérébrales.
Le chercheur en biophysique Denis Bédat nous explique :
« À tout moment, toutes nos fréquences cérébrales sont actives,
mais en fonction de notre état, certaines prédominent.
Alors que nous passons la majeure partie de notre quotidien dans les
fréquences de Bêta, en état alerte, actif, voire anxieux. Les
états de transe utilisés par les psys nous font passer
dans une dominance de fréquences plus basses, en Alpha/Thêta,
aux alentours de 8 Hz, un état relaxé, serein, voire hypnagogique.
De nombreuses études ont confirmé le rôle de ces fréquences
dans la récupération des souvenirs à long terme, les associations libres,
l’inspiration créative et les sensations d’unité. Les bas niveaux de Delta
(de 0,5 à 3,5 Hz) sont réputés quant à eux pour favoriser
la régénérescence physique, l’inspiration, les visions spirituelles
et les expériences extracorporelles. Mais rares sont ceux d’entre nous
qui parviennent à demeurer dans ces basses fréquences par soi-même
sans s’endormir. »
Le chercheur nous précise que l’état frontière entre Alpha et Thêta
est l’un des plus intéressants pour la guérison psychologique,
la vibration Thêta apportant la profondeur de la matière,
et l’Alpha une clarté et une lucidité hors pair.
« Votre conscience peut alors observer les compartiments les plus
profonds de votre esprit. »