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La mère qu'elle n'a pas été
La mère qu'elle n'a pas été
Femme et mère, jeune encore et souvent éprouvée,
J'ai certains souvenirs profondément gravés
Dans les plis de mon front qu'ont creusé mes pensées
Et qui font deviner bien des choses passées.
Mon existence me dit d'oublier mon enfance :
Ces mois, très solitaires, dans des pensions hostiles
Quand, ne pouvant gérer seule mon existence,
Ma mère m'abandonnait pour des raisons futiles.
Je souffrais de l'absence de cette mère volage
Qui m'écrivait toujours qu'elle était en voyage,
Qu'elle ne pouvait pas me consacrer du temps
Mais qu'elle m'aimait, pourtant ! Et elle signait: "Maman".
De longs mois j'attendais les dimanches sa venue
Guettant, folle d'angoisse sa silhouette aimée,
Jalouse et malheureuse de la joie imprévue
D'une autre camarade qu'on venait visiter.
Le soir de ces visites clôturait mon espoir
D'embrasser cette mère au corps insaisissable
Et je me consolais en sentant son mouchoir
Empreint de son parfum si doux ! Si impalpable !
Dans mon lit de pension, je pensais à ma mère
Et revivais les heures, ces doux moments prés d'elle ;
Mais, quand j'ouvrais les yeux, ce n'était que chimère
Et mon cœur en voulait à cette mère cruelle!
Bien souvent, j'ai touché le fond du désespoir
Quant, au hasard des nuits, le cafard me prenait.
Sur mon lit de ferraille, dans le noir, je pleurais
En fixant, sans la voir, la veilleuse du dortoir.
Les pleurs n'avaient pas cours dans ces pensions sans nom.
Nous n'avions pas le droit de nous laisser aller.
Nous étions surveillées et gare aux punitions
Pour celles que l'on prenait, dans un coin, à pleurer.
Je me souviens d'un soir où le cœur en lambeaux,
Mon esprit submergé par la mélancolie,
Les yeux mouillés de larmes et mon âme meurtrie,
Je ne pus endiguer un flot de gros sanglots.
Bien entendu, je fus, sur l'heure même, punie,
Mise dans un cachot sombre, froid et réduit
Où je restais trois jours dans la peur et la faim,
N'ayant, pour nourriture, que de l'eau et du pain.
Pour une simple toilette, on venait me chercher
J'allais me soulager deux à trois fois par jour,
Toujours accompagnée par " sœur trousseau de clefs"
Que je nommais ainsi, surtout pas par amour!
Je n'avais que huit ans à cette époque-là ;
Mais le cœur d'un enfant, à cet âge, n'oublie pas !
J'ai passé mon enfance à attendre ma mère
Qui n'a su qu'être femme; mais jamais être mère.
Est-ce que je lui en veux ? Oui. J'ai de la rancune.
Tout ce que j'ai souffert quand j'étais solitaire,
S'en ai t-elle rendu compte? En a t-elle amertume?
Qu'elles étaient ses pensées ? Je préfère me taire.
Lui ai-je pardonner ? Je ne saurai vous dire.
Le temps et la distance m'ont fait "dé souvenir"
Des traits de son visage, imperceptible image,
Qui n'est plus qu'incertaine au détour d'un nuage...
Ces années de pensions, je les lui dois, amères.
Que de larmes perdues baignant mes déceptions !
Ses absences de ma vie, ses retours, ses "Pardon ",
N'étaient que des mensonges pour calmer mes colères.
Je suis devenu femme et je me suis mariée.
J'ai eu deux beaux enfants que j'ai su cajoler.
Un mari exemplaire, une vie bien rangée,
On fait de moi la mère qu'elle n'a pas été.
N. Ghis. 1977
Tags : mère, bien, pension, souvent, femme, voyage, volage, cruelle, camarade, cafard, hasard, dortoir, veilleuse, sœur, trousseau, clef, Chanel
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Commentaires
C'est très bien écrit et vraiment très touchant...
je vais continuer la lecture de vos autres poèmes ! merci
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Mercredi 11 Avril 2018 à 14:42
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Hello Ghislaine
Je suis venu j'ai lu et j'ai compris
Gros bisous
Jo
Merci pour tout cher Jo ! Tu sais que j'ai placer toute ma confiance en toi ! Tu n'est pas comme certains qui te couvrent de compliments, et puis soudain, changent de direction sans raisons valables qui ne tiennent pas debout. A cause d'une chipie de bonne femme avec qui je me suis accrochée et à qui j'ai mis la pâté, il me tourne le dos alors que cette histoire ne le regardait absolument pas. J'ai en horreur des gens comme ça !!!